L’EPEE Raymond

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1942, Neuchâtel | travaille à Corcelles

Cet artiste, compositeur typographe de formation, se forme à la peinture et au modelage à l’Académie de Meuron de Neuchâtel, de 1957 à 1962. Il séjourne plusieurs fois à l’étranger, notamment à New York en 1978 et en Italie en 1989. Raymond L’Épée obtient plusieurs récompenses pour son travail artistique, dont la bourse fédérale des beaux-arts en 1967, 1968 et 1970, le prix Peinture du MBAC à La Chaux-de-Fonds en 1968 et le prix Bachelin en 1972.

 

FOCUS SUR RAYMOND L’ÉPÉE

 

Exécutant deux toiles de la friche Suchard à Serrières (Neuchâtel), cet ancien élève de l’Académie de Meuron de Neuchâtel s’éloigne d’un lyrisme auquel son travail a souvent été associé. Raymond L’Épée, exerçant actuellement à Corcelles, compose ses œuvres avec une organisation géométrique rigoureuse. Si la toile est une fenêtre ouverte sur le monde, la vision est ici partielle dans des plans tronqués où les lignes sont brisées par le bord du tableau. Cette composition formelle met en place un cadrage digne d’une photographie et centré autour des angles des toits-terrasses. En travaillant avec le vide et le plein, l’artiste crée une surface bidimensionnelle qui n’est pas sans rappeler l’estampe japonaise. Avec une palette restreinte où le bleu rencontre le jaune, l’usage du blanc permet d’étendre la gamme en des variations multiples et d’accrocher la lumière dans un travail en fines touches. Tout comme le spectateur doit recomposer le panorama interrompu par le cadrage, il doit aussi reconstituer le spectre de la lumière grâce aux taches qui construisent le motif.

Ce lieu-dit de Tivoli, évocateur des cascades de la campagne romaine, témoigne d’une histoire industrielle de Serrières, alors portée par l’essor de l’usine Suchard. La friche actuelle s’interroge inlassablement un passé et sa réhabilitation possible. L’indolence habituelle des toiles du lauréat du prix Bachelin (1972) fait place à un sentiment d’absence oppressante dans la figuration d’un quotidien devenu souvenir. Dans la lignée nostalgique des œuvres d’Edward Hopper (1882 – 1967), Raymond l’Épée, qui découvrit la peinture américaine lors de son voyage à New York en 1978, représente la friche et témoigne des mutations sociales. L’absence d’un personnage solitaire à la façon de Hopper est comblée par les traces de vie révélées par le transat ou encore le linge qui sèche. En revanche, la seconde toile semble tributaire dans sa bidimensionnalité et dans son sujet d’une composition de Pierre Bonnard (1867 – 1947), exécutée dans un minimalisme absolu avec une palette de couleurs toute en retenue.

 

Margaux Pisteur